(E.:Forêt des Ombres)Au revoir, Lumeïnyx...

[ Arff, le titre bien théâtral ! lol ^^ ]

Le coucher de soleil. Il correspondait assez bien à la situation, ce tableau or et mauve parcourut de stries rosées et bleus, se déposant comme un voile sur les environs.
Lorsque Meridell se retourna pour jeter un regard vers l'école, appuyée sur l'épaule de Gaëtan, et laissa enfin sa douleur traverser la barrière de volonté qu'elle avait bâti...
Combien de temps ? Cette notion devenait plus abstraite de minute minute, mais en tout cas, lorsqu'elle releva la tête, l'épaule du jeune homme était humide, et son propre visage trempé. Elle poussa un long soupir tremblant.
Oui, elle avait été forte. Assez pour se permettre maintenant de lâcher une infime parcelle des sanglots en elle...
Ils se regardèrent, et chacun tenta de sourire pour rassurer l'autre.
" Au revoir Gaëtan...tu...tu sais que ce que je t'ai dit, il y a cinq ans...çà n'a pas changé ?"
Il hocha lentement la tête.
" C'était juste pour m'en assurer. N'oublie pas d'être heureux, surtout."
Cette phrase, sortie tout droit du passé, glissa avec naturel sur ses lèvres. La jeune femme raferma sa prise sur son sac, et tenta de maîtriser le tremblement de son corps. Le froid... la morsure du froid au plus profond de son être...
" Merci."
Dernier effort, dernier sourire. Elle utilisa ses dernières forces, et la silhouette fragile de Meri disparut dans une explosion de lumière.

"Elle est partie... où?"

Voix tremblante, voix chevrotante. Voix peu sûre. Voix aussi faible que la directrice qui venait de s'évanouir devant elle.
Lénore. Elle se détacha du bosquet d'arbres d'où elle avait assisté à la scène.
Triste. Pâle. Quelques dernières couleurs qui tombaient du ciel pour venir éclairer un visage en deuil.

"Elle va revenir...?"

Voix pleine d'espoir. Qu'une seule parole du jeune homme en face pouvait détruire...
Elle se tu, attendant la réponse, plongée dans une mélancolie qui l'isolait du monde extérieur... Seul comptait le brin d'herbe qu'elle fixait, intensément. Plus de bruits autour, rien que le silence. Rien que sa douleur. Et des souvenirs...
Première vision... Meridell, dans son bureau. Son sourire, doux, et sa voix, agréable. Meridell qui l'avait envoyée dans sa maison.
Seconde vision. Troisième. Toujours la même personne qui se superposait, toujours le même charme, discret.
Toujours la douleur qui se renflouait.

"Vous croyez...?"

Elle s'extirpa de sa rêverie. Releva la tête.
Une larme, une seule, glissa lentement, goutte d'argent sur sa peau pâle. Le coucher du soleil s'y réfléchit, un instant. Arc-en-ciel réunit dans une goutte.
Qui glissait... Et tombait. Comme la rosée dans l'herbe.
Une autre, qui allait la rejoindre.
Un feu, qu'elles ne pouvaient pas éteindre.
Sa douleur...

Il devait répondre...répondre à cette jeune fille qui pleurait...
Il n'y arrivait pas.
Il ne pouvait pas...
Muet, les lèvres serrés, le jeune homme fixait l'endroit où Meridell avait disparu, et laissait les larmes couler sans même tenter de les arrêter.
Les hommes forts ne pleurent pas...
Gaëtan n'était pas "fort". Pas au sens où on l'entendait. Depuis son enfance, il n'avait jamais eu honte d'être triste ou de souffrir, et paradoxalement, c'était une force, il l'avait découvert au cours des années. Beaucoup de personnes étouffaient, enfermés par des sentiments qu'elles s'interdisaient d'exprimer. Comme Meri...oui, Meri plus que quiconque...
Elle ne s'était même pas autorisé à pleurer devant ses élèves.
Le flot de larmes ralentit. Gaëtan essuya ses joues du revers de la main, et dit d'une voix décidée :

" Oui."

Pour donner espoir à la jeune fille. Pour se donner espoir à lui-même. Mais pas seulement...

" Oui, je le crois.", d'une voix plus ferme.

Pas une prière, une certitude.

" Elle reviendra."

Un appel au crépuscule. A la jeune femme, où qu'elle soit...

" Parce que..."

* Parce qu'il faut que tu reviennes, Meri. On a tous besoin de toi, tu le sais...*

"...elle l'a promit..."

Il se tourna vers la jeune fille.

"...et elle tient toujours ses promesses."