Lumeïnyx
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Lumeïnyx

Mage ou sorcier, côté clair ou côté sombre ? Le destin en décidera...
 
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 Vivante

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Yôko
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Yôko


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MessageSujet: Vivante   Vivante EmptyLun 10 Sep - 20:50

La pierre était froide sous ses pieds nus, la poignée de fer de la porte, glaciale sous ses doigts engourdis, et le long grincement de gonds mal huilés s'étira dans un gémissement à vous en glacer le sang dans le petit matin...mais la brise qui la cueillit au creux du visage était douce, fraîche, certes, mais d'un automne encore timide et nouveau-né.
Les rues étaient vides, les paupières des fenêtres, encore closes, volets de bois brut ou laqué, rideaux colorés, planches condamnant des demeures abandonnées qui semblaient gémir de l'absence de leurs habitants...le vent sifflait aux oreilles la mélodie de centaines de respirations endormies.
La ville vivait. Elle s'accroupit un instant sur les pavés, posant sa paume étroite bien à plat sur les dalles, cherchant le pouls du coeur gigantesque qui insufflait sa vie à la cité, nettoyant de ses grands coups de pompe titanesque les flots souillés pour les renvoyer dans les ruelles tortueuses... nouveaux visages, nouveaux rêves, nouveaux pas foulant le sol...chaque jour, comme une litanie d'espoir.
Mais le coeur était loin. Caché au plus profond de la planète brisée sur lequel tous ses êtres conscients crapahutaient comme des insectes. Alors, elle chercha son propre pouls, caché sur son poignet blanc ou sur sa carotide, au creux de sa gorge fragile, et qui décomptait avec patience les battements qui lui restaient à vivre. Bombe à retardement, elle l'était toute entière, et lorsque surviendrait son explosion, sa vie serait projetée loin, très loin, vers les rivages macabres ou célestes, vers la question au centre de toute vie, et qui prenait à la gorge pendant certaines nuits solitaires.
Il était injuste, si injuste qu'elle doive partir seule si vite, sans arracher personne d'autre à cette vie si étrange, si cruelle et merveilleuse à la fois. Elle serra le poing, et l'abattit sur la carapace de pierre de la cité. Le coup se répercuta dans la rue léthargique.

Elle courait maintenant, légère dans l'air frais et comme lavé, la lumière indécise de l'aube soulignant ses traits d'un clair-obscur onirique. Elle courait pieds nus dans sa ville, la ville qui était sienne aussi loin que les premières tasses de café n'étaient pas versées, et sa bouche se crispait sur une grimace amère, et ses sourcils noirs se fronçaient sur ses yeux en amande. Mais lorsqu'elle arriva à la place de la fontaine, ses traits se détendirent de nouveau. Exit la colère, exit la jalousie. Reléguées dans les plis cachés de son âme, entre un voile d'acceptation philosophique et une tenture d'aveuglement volontaire, espoir insensé et à demi cru seulement.
Elle s'approcha, sa démarche ralentie, sa petite main tendue vers l'eau jaillissante qui retombait en gerbes d'écume, oscillant entre cataracte capable de briser des os et fils d'araignées blancs jetés dans le bassin de marbre. Dans sa paume, l'eau était forte.

En quelques gestes rapides, elle retira ses vêtements, ne gardant que ses sous-vêtements : chemise de corps et caleçon long. Sans un frisson, elle déposa aussi à terre l'écharpe rouge que sa mère lui attachait toujours autour du cou.
Puis, d'un bond, elle sauta dans la fontaine.

Et resta là, petite silhouette trempée jusqu'aux os, les cheveux sombres plaquées contre le visage pâle, les lèvres tremblantes prenant lentement une teinte bleue, yeux clos, mâchoires serrées. Folle, probablement.
Vivante...
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Së'ril
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Së'ril


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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptyJeu 13 Sep - 18:44

[waaaah mais c'est superbe ce post ! toutes mes félicitations, je suis littéralement fan ^^]

Un pas, deux pas. Marcher dans les rues au pavé grouillant de vie, de rencontres, de mains qui se tiennent et de pas au même rythme... Marcher seule au hasard, sans but, errer comme un fantôme désorienté, comme une reine déambule dans son palais, le regard vide et la vie amorphe... Regarder ces façades baroques succédant aux antiques colonnades, les gens qui se pressent devant les temples et les stands, à terre, presque vides de clients... Reconnaître en souriant le tintement des bijoux qu'elle a forgé, de son propre esprit, à la sueur de son front, au crispement de ses mains... Surtout, penser.

Saviez-vous que la marche est le moment le plus propice pour débiter ses pensées ? Où l'esprit est au repos, simplement bercé par le mouvement continu et comme immobile des pieds qui s'avancent et foulent la terre, répétitif, inutile. Mais la vie est pleine de sublimes futilités...

L'amour par exemple. Ou l'identité. Qui est-elle d'ailleurs, drow perdue, elfe sans repères dans une enveloppe charnelle trop petite pour deux ? - Le nom de sa forge l'exprime d'ailleurs, l'or et le bronze, métaux si différents pourtant un peu forgés par les mêmes protons... - Ses pensées vagabondent autant qu'elle dans les rues vides, c'est l'heure la plus chaude de l'après-midi, et on se terre dans des bassins ou des pièces sans fenêtres.

De son pessimisme désespéré, Së'ril examine le monde. La jeune orfèvre prodige, auparavant élue et qui n'a plus que ses mains pour forger et ses yeux pour pleurer, exilée de la seule patrie qu'elle ait eue, où elle ait pu être entière, au milieu d'une ville inconnue où elle ne connaît personne. Hostile. Hostile. Le dos hérissé, un chat cadavérique détale devant elle en sifflant, sortant d'un tas de détritus.

C'est cela, alors, la vie ? Au fil des réflexions l'elfe métis dépasse des fenêtres crasseuses, des ruelles aux pavés irréguliers et huileux qui crissent sous les pas, des tavernes bruyantes exhalant de fortes vapeurs d'alcool... Elle observe la ville. Pourquoi est-elle si associable ? Pourquoi a-t-elle toujours l'impression qu'on rit sur son passage, l'échine voûtée, les mains dans les poches de son vêtement de travail en cuir assombri par l'usage, étrangement orné de superbes bijoux cliquetants ? Pourquoi est-ce qu'elle ne voit que la misère de cette mendiante rousse qui tend la main, et ces ombres derrière les rideaux qui s'exilent, se joignent comme des animaux et ne savent plus se parler, ces ivrognes borgnes qui sortent des auberges en rotant et débitant des insanités, et, et, et...

On n'a plus d'amour ?

L'Impact a tout déréglé. Maudite soit cette catastrophe qui a cassé un univers-cocon où elle se plaisait, où elle vivait, où elle était bien dans sa peau, et elle aurait aimé, elle en était sûre, et le monde aurait été beau - pourquoi pas - et puis - on ne sait jamais - le bonheur serait venu - et il n'y aurait eu que des frères, partout, partout...

Non. Loah n'est plus qu'un désert de sentiments. Les villes sont tristes, sombres, repères de malfrats, on ne peut plus y vivre, la société ne fait pas bon ménage, elle étouffe, elle étouffe dans la puanteur et les miasmes de cette crasse virtuelle qu'elle s'imagine l'emmaillotter, comme une inexorable araignée, qui la momifie, l'exile du monde, la tue ! L'assassine ! Je manque d'oxygène...

Mais pourquoi ne voit-elle jamais que l'horreur, et le vide, et les cadavres ? Regarde, là, par exemple, il y a une enfant qui se baigne dans la fontaine. C'est beau, un enfant, blanc, et doux, et souriant, et... au regard morne, vide, absent.

Petite fille, qu'as-tu ?

Es-tu perdue toi aussi, as-tu perdu une patrie chérie où tu vivais, es-tu évadée dans le puissant refuge de tes souvenirs, que tu fouilles pour retrouver une utopie terminée ?

Pourquoi ? - L'être pensant se posera éternellement cette question, même quand il aura épuisé la réserve de ses "comment". Elle voudrait le crier au monde, pourquoi, pourquoi avez-vous bousillé ma vie, pourquoi je ne pourrais pas recommencer et... et le bonheur ne serait-il plus possible, après ?

Au large de son esprit divaguant, Së'ril s'assied doucement au bord du jet d'eau plat dans lequel elle trempe la main. L'eau... atmosphère originelle, élément de vie, amniotique, océanique, bleu et calme... frais... ressuscitant.


"Tu es perdue ?"

C'est toujours la question qu'on pose à un enfant, non ? Mais qui n'est pas perdu aujourd'hui...

[c'est désespérant de nullité >< en plus, désolée, je viens de (re)lire les Fleurs du Mal -____-' ça me rend légèrement dépressive... XD]


Dernière édition par le Dim 7 Oct - 19:39, édité 3 fois
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Yôko
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptyVen 14 Sep - 18:17

[ C'est pas vrai, le tien est superbe. Merci du compliment. Et Baudelaire me fait le même effet...il devait pas être facile à vivre.
Euh, en fait : mon post se déroule à l'aube, pas à l'heure la plus chaude de la journée...]

" Tu es perdue ?"
Une voix de femme, claire et douce, s'immisca à travers les yeux fermés de Yôko - bien que de manière technique, elle s'immiscât plutôt dans ses oreilles - et celle-ci les ouvrit aussitôt, sa colère retrouvée, prête à bondir comme un chat sauvage acculé sur celle qui la prenait pour une gamine.
Cheveux cuivrés coupés courts, yeux couleur d'or, peau mate dans la caresse du soleil naissant, taches de son semées sur un nez retroussé, silhouette fine et sportive à la fois, port de menton fier. Un physique avenant, qui retenait l'attention. Des oreilles pointues dans les cheveux fins...une elfe ! Et une complètement éthérée, ou qui n'avait plus toute sa tête, parce qu'elle ne se rendait apparemment pas vraiment compte de la folie qui se déroulait devant elle : une jeune fille se baignant dans une fontaine glaciale, à cinq heures du matin. Yôko se sentait distinctement trembler comme lors d'un séisme de force 5, mais l'autre regardait dans le vide et ne voyait rien.
Sa colère retomba comme un soufflé qu'on a trop laissé attendre. Cette jeune femme - cette elfe - était quelqu'un de bizarre. Et çà, s'était intéressant.
A travers ses dents qui ne cessaient de s'entrechoquer, elle répondit d'une voix tranquille :

" Nan, j'prends juste ma douche. L'hygiène, c'est important."
Elle était sûre de Yukari l'approuvait sur ce point, mais également qu'elle piquerait une crise cardiaque en voyant sa fille unique et 'malade' ( joli petit euphémisme ) se laver dans une fontaine à l'eau froide, à cinq heures du matin sur une place publique. Rien qu'à s'imaginer sa tête, la jeune fille se sentait à la fois coupable et jubilante, plus vivante que jamais.
Mais bien sûr, il fallait aussi éviter d'attraper une pneumonie, et après l'adrénaline de la désobéissance, elle prenait maintenant pleinement conscience qu'elle avait froid. Vraiment très froid.
De nouveau elle bondit, cette fois hors de la fontaine, et s'ébroua comme un chien, sans se soucier d'asperger d'eau l'inconnue. Peut-être que çà la ramènerait à la réalité.

" Voilà, chuis propre." débita-t-elle avec nonchalance entre ses lèvres bleu-violettes, avant de tendre un bras qui tremblait violemment vers le tas de ses vêtements. Hop, pantalon, chemise, veste de son père, et l'écharpe enroulée autour de son cou pour faire bonne mesure. Tout cela en étant toujours trempée, malgré le séchage à la sauvage, ou plutôt à la canine...
Elle éternua, une fois, deux fois, trois fois, pinça le bout de son nez glacé, puis alla s'asseoir à côté de l'elfe étrange sur le rebord de la fontaine, serrant ses bras autour de ses genoux pour avoir un peu plus chaud. Puis, retrouvant petit à petit ses sensations, elle laissa son don se déployer comme bon lui chantait...l'elfe était désespérée. Elle avait le cafard. Voilà un sentiment qu'elle pouvait aisément décoder, et il était tellement fort qu'elle n'avait même pas besoin de la toucher. Et puis, elle était aussi malade. Pas une maladie physique, une maladie mentale. Elle n'arrivait pas à déterminer laquelle, mais en tout cas, l'inconnue en souffrait. Beaucoup.

" Et toi, t'es perdue ?" lui demanda candidement Yôko. " C'est quoi, ton nom ?"
Derrière une des maisons qui bordait la place, le soleil montra le bout de son museau pour tomber sur les cheveux de son interlocutrice, y animant des reflets de brasier.

[ ^^ ]
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Së'ril
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptySam 22 Sep - 20:59

[beuuuh merci ^^ oups, désolée pour l'heure... j'avais zappé. Pas grave, de toutes façons ça peut très bien elever de la paranoïa, elle est assez dépressive xD et Së non plus n'est pas facile à vivre... Rolling Eyes Razz]

Cette enfant avait un don. Së'ril le sentit au moment même où la toute jeune fille lui lança quelques mots d'une voix si claire, un peu tremblotante, comme si ses mots avaient été un puits de douceur et de fraîcheur où la jeune elfe attendait de se plonger depuis toujours. En fait, elle n'avait presque jamais ressenti cette impression.

D'abord un très vague souvenir, celui de quelques intonations fraîches, une diluvienne trombe de pétales d'amour, des étreintes enveloppantes et câlines, la chaleur du début de sa vie. Puis rarement, très rarement, une ou deux personnes à Lumeïnyx avaient ainsi essuyé les tempêtes de son âme durant la période faste de sa vie. Et puis... non, il valait mieux ne pas y penser, car peut-être était-il mort à l'heure qu'il était.

Alors cette voix timide et claire, c'était un peu comme ce rayon de soleil au-dessus des toits d'ardoises poudreuses, qui écartait lentement ses sujets vaporeux sur le passage de son majestueux faisceau... pas encore très bien assis sur sa chaire d'horizon. C'était un peu comme les gouttelettes, gemmes éphémères aux facettes liquides, qu'elle avait projetées en l'air et sur le visage de Së, réveillant brusquement sa conscience, enfouie sous des tonnes de regrets, de débris de passés et de masses de solitude.


"Hum, on peut dire cela, oui..."

Sa voix sursauta, comme un coup de fouet brusque, avant de retomber. Le regard à nouveau vague. Pour occuper ses mains et son esprit à une autre tache que la pensée qui ne la menait à rien et la désespérait de plus en plus, elle s'amusa à ramasser un caillou translucide, égaré sur le paver régulier. Une petite gemme blanchâtre, pas précieuse, mais jolie. Fronçant les sourcils, Së - sans même penser à ce qu'elle faisait - fit jaillir une légère volute dorée, qui s'estompait tellement dans l'air ambiant qu'on se demandait si elle existait bel et bien ou s'il s'agissait d'un mirage flottant. Obéissant à l'impulsion de son pouvoir désormais exercé, après des mois de sollicitations infructueuses et épuisantes, la fumée scintillante enroba la pierre, pas plus large que l'ongle du pousse, et la tailla délicatement avant de se dissoudre. A bien y regarder, la forme du gravier transparent tenait à présent à la fois de la goutte et de la spirale. Légère et régulière, la forme avait été métamorphosée en quelques secondes en un petit pendentif, au centre duquel, comme incrusté dedans, scintillait une paillette d'or. Pour parfaire l'ouvrage, Së'ril se concentra un maximum, car elle devait matérialiser les matériaux, ce qui était bien plus difficile et douloureux que de travailler un métal déjà existant. Mais au bout d'une minute - toujours silencieuse - elle obtint une petite chaîne de bronze, faite de simples anneaux emboîtés, à laquelle elle souda la gemme taillée. L'or et le bronze, la signature paradoxale et mitigée de la demi-elfe-drow.

"Comment je m'appelle ?"

Question réthorique plutôt énigmatique, mais la fillette qui lui faisait face ne devait rien obtenir de plus. Së'ril glissa le bijou dans la paume de son interlocutrice, et sans dire un mot de plus, commença déjà à s'éloigner. Je vous l'ai dit, elle est associable. Ou plutôt, non. C'est juste qu'elle ne sait pas s'y prendre avec les gens. Mais pour elle, ce cadeau voulait tout dire : avec elle, il fallait juste savoir décoder la valeur symbolique des choses, car elle distribue ses mots au compte-goutte, mais veut souvent en dire plus avec un monosyllabe qu'en un long discours.

Elle était déjà à quelques pas de la fontaine, lorsqu'elle marmonna (presque pour elle-même, mais assez fort cependant pour que Yokô entendît) sans retourner la tête :


"En fait, je ne sais plus très bien."
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Yôko
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptyMer 26 Sep - 18:34

C'était un peu comme si un gros nuage noir s'était nonchallament écarté pour laisser percer un rayon de soleil, un trait de ciel d'un bleu si doux qu'on en restait songeur, ou des eaux marécageuses s'épurant de la vase trouble pour flotter un instant libérées, neige fondue agitée d'un tourbillon d'azur...
Très joli, très poétique tout çà. Très éculé et artificiel, songeait Yôko avec une pointe d'agacement. Comme si elle avait le temps de faire de la poésie, elle, elle voulait vivre, vivre, vivre avec le maximum d'intensité les grains de sablier qui lui restaient encore ! Vivre dans le présent et dans l'action, sauter à pieds joints dans l'oeil du cyclone et attendre de voir ce qui se passerait, et non pas ânonner des pieds et des rimes... mais elle ne trouvait pas d'autre moyen que quelques métaphores pour expliquer ces sentiments étrangers s'inflitrant en elle comme de l'eau par la coque percée d'un bateau. Quelque chose, le fait d'avoir été éclaboussée, les paroles que la jeune fille lui avait adressées, ou un autre évènement sans rapport aucun et qu'elle n'avait pas perçu, avait poussé de côté la déprime chez l'inconnue, révélant une kyrielle de sentiments confus mais indubitablement positifs, assez intense pour que Yôko, qui prenait garde à ne pas trop mélanger ses sentiments et ceux des autres ( histoire de ne pas perdre une case en route ), ressentit une bouffée d'espoir.


" Hum, on peut dire cela, oui..."

Mais le nuage noir revint, écrasant le soleil, et les eaux se troublèrent à nouveau. Ses paroles étaient comme une flèche : rapides, inattendues, douloureuses, cette flèche qui venait de percer l'outre d'espoir éclose dans les yeux de l'elfe.
Et puis d'abord, ce n'était pas une réponse, songea Yôko, insatisfaite.
Mordant vigoureusement dans sa lèvre inférieure jusqu'à en faire jaillir un maigre filet de sang vermeil, elle se mit à se balancer d'avant en arrière, d'arrière en avant, avant, arrière, arrière, avant, arrière, arrière, euh non, avant, arrière, avant et...
Platsch ! Crachotant et jurant, Yôko émergea une deuxième fois de l'eau, encore plus trempée que précédemment. Ses mouvements rendus maladroits par les vêtements mouillés, elle retourna s'asseoir sur le rebord de la fontaine, puis cracha un jet de flotte par terre et ébouriffa énergiquement sa courte chevelure pour en catapulter l'eau. Et pendant tout ce temps-là, elle ne prêta pas plus attention à Së'ril que Së'ril ne prêta attention à elle. Puis, brusquement, elle sentit la main de l'elfe glisser quelque chose entre ses doigts.

" Comment je m'appelle ?"
Question qui n'était pas rhétorique mais s'en donnait le ton, ambitieuse jusqu'à se croire réponse. Si même les structures grammaticales se mettait à faire de l'orgueil...
Yôko leva à la lumière nouvelle-née le cadeau de l'inconnue : une petite pierre transparente en forme de goutte torpillée, abritant en son coeur un fragment doré, et attaché à une fine chaîne de bronze.
La jeune fille leva les yeux : l'elfe s'était déjà éloignée de quelques pas mais elle s'arrêta, sembla réfléchir une fraction de seconde puis souffla, son désespoir rabattu vers Yôko par le vent inexistant de son don comme une odeur de cendres :

" En fait, je ne sais plus très bien."

Tandis que la jeune femme s'éloignait ainsi d'un pas sans énergie, Yôko resta assise quelques instants sur son rebord de fontaine, son regard allant du bijou à l'inconnue et de l'inconnue au bijou. Ne plus très bien savoir comment on s'appelait ? Voilà qui était embêtant, aurait-elle répondu rêveusement dans d'autres circonstances, des circonstances où elle aurait pû ironiser à son aise... mais là, çà n'allait pas du tout. Le manque de dynamisme et la souffrance de l'elfe, si elles provoquaient en elle de la compassion, l'échauffaient surtout. Devait-elle... ? Roh, au diable la politesse ! ( comme si elle s'en était jamais soucié )
D'un bond, elle fut debout, vacilla sur ses jambes frêles et claqua un bon coup des dents avant de s'élancer vers l'autre et de lui barrer la route, bras écartés.

" Je te crois pas." lui assena-t-elle fermement. " Tu penses que parce que je suis une gosse, tu peux ne pas me répondre, hein ? Tu triches !"
Que l'elfe se mette en colère, franchement, elle s'en fichait, mais qu'elle se bouge, c'était çà qu'elle voulait voir.
" Si t'en es pas sûre, t'as qu'à me dire tous tes noms, et je choisirais celui avec lequel je veux t'appeler. T'es quand même pas diminuée au point de ne pas être capable de me dire tes noms ! Donc, je répète ma question : moi, c'est Yôko, et toi, comment tu t'appelles ?"
Défi et joie sauvage crépitaient dans ses yeux noirs, elle croisa les bras sur la poitrine et eut une moue décidée. Celle-là, elle n'allait pas la laisser s'en tirer avec sa déprime existentielle. Yôko avait un petit quelque chose des carlins : quand elle tenait quelque chose, elle ne le lâchait pas. A plus forte raison : quelqu'un. Si il le fallait, elle la secouerait comme un prunier, mais elle la ferait parler !

[ Super-Yôko à l'attaque de Déprim'Së ! Coup spécial insolence ! Wink ]
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Së'ril
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptySam 29 Sep - 20:25

[mdr ! et Së encaisse le coup avec un peu de mal xD ps : peut-être que Yôko n'est pas une gamine des rues hein, mais c'est ainsi que Së la perçoit ^^]

La voix déterminée et insolente de cette gamine des rues arracha un sourire à Së'ril, le premier depuis bien longtemps. Mais qu'avait-elle, pourquoi ces flashs de souvenirs merveilleux, l'amitié, le rire, le bien-être, l'étude, la satisfaction, le "bien dans sa peau"... autant de choses qu'elle aurait voulu revivre et qui avaient disparu. Pour toujours ?! Mais non, cette petite venait de le prouver... Sa voix fraîche, décidément, fascinait Së'ril. Mais était-ce vraiment ce qu'elle imaginait, la voix d'une enfant qui, au simple début de sa vie, n'a pas encore connu la misère de la vie ?...

"D'accord, d'accord. Appelle-moi Së'ril. En fait, non. Appelle-moi comme tu veux. Les noms qu'on m'a donné sont Diamina, Ebena, Së'ril... une multitude d'autres peut-être, que j'ai oubliés dans les méndres embrumés de vies antérieures... C'est peut-être pour ça, que je ne sais plus qui je suis."

Un temps de réflexion. Non; il valait mieux ne pas s'en donner. Ne pas penser... Travailler à sa forge jusqu'à l'abrutissement de son esprit, pour ne surtout plus se poser de questions douloureuses. Abêtie, plutôt que folle. Quoique les deux aillent parfois ensemble... Et elle, était-elle déjà folle ? Murée dans le désespoir, parce qu'il lui serait vraiment impossible de se débarasser de l'elfe noire en elle ? [on nage en plein Zola là XD]. Etait-elle misanthrope ? Mais non, tout juste... fatiguée. Fatiguée de blesser les autres. Fatiguée d'être associable parce qu'elle était lunatique, et le pire, c'était qu'elle s'en rendait compte. En fait, elle aurait mieux fait de ne pas écouter la petite et de s'en aller en l'ignorant. C'était sans doute impoli et blessant, mais moins - et moins dangereux - que si elle se liait d'amitié avec l'enfant.

"Tu sais,"

fit-elle après un doux silence, (chose inhabituelle chez elle que la douceur), elle était habituée à la rudesse d'une forgeronne, et déjà ses mains avaient pris des cals à force de manipuler des armes et des métaux,

"Il vaudrait peut-être mieux pour toi que je parte et que tu ne penses plus à moi."

Së eut un sourire très triste, très doux lui aussi, d'un calme douloureux, sans rien ajouter de plus. Mais ses yeux, brillants d'une légère vapeur émue, exprimaient le contraire de ses paroles ; elle avait besoin de parler. Lentement, elle fit marche arrière et retourna s'asseoir sur la margelle de la fontaine, et plongea les avants-bras dans l'eau délicieusement froide avec un soupir de soulagement.


[désolée, c'est pas très long, j'ai pas d'inspi x__x]
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Yôko
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptySam 6 Oct - 13:31

Avait-elle des hallucinations ? Après avoir le corps transformé en glaçon mobile, est-ce que c'était maintenant son cerveau qui prenait un coup de froid ? Mais non, çà avait l'air tellement réel...c'était bien un sourire qui venait d'éclore sur les lèvres de l'elfe, chassant la fatigue qui alourdissait son visage auparavant pour lui rendre toute sa finesse, et cette beauté indéfinissable qui faisait les louanges de sa race.
La jeune fille le lui rendit, un sourire mi-jubilatoire mi-narquois. En dépit de son air misanthropique, celle-là n'avait pas résisté bien longtemps. A nouveau, c'était une floppée de sentiments positifs qui affluaient vers la jeune fille comme des vaguelettes vibrantes d'énergie, s'attaquant au piton de roche noire...un point pour elle, oui.

" D'accord, d'accord. Appelle-moi Së'ril. En fait, non. Appelle-moi comme tu veux. Les noms qu'on m'a donné sont Diamina, Ebena, Së'ril... une multitude d'autres peut-être, que j'ai oubliés dans les méndres embrumés de vies antérieures... C'est peut-être pour ça, que je ne sais plus qui je suis."
Yôko réfléchit un instant, le menton posé sur la main et un point d'interrogation dans la ride entre ses sourcils, puis se tapota le bout du nez.
" Së'ril. Je préfère Së'ril. Ou Së, c'est encore mieux. Tu crois aux vies antérieures ? T'es bizarre." commenta-t-elle placidement.
Mais çà, elle s'en était déjà rendu compte avant, et çà ne le dérangeait pas plus que çà. D'ailleurs, elle-même était relativement étrange, et pour ceux qui en doutaient, permettez-moi de vous rappeler qu'elle était précédemment occupée à se doucher à l'eau froide dans la fontaine de la ville, à cinq heures du matin. D'autres questions ?

Mais Së doutait. Yôko en était sûre, parce qu'elle détestait ce sentiment. Il lui donnait toujours l'impression d'être au-dessus d'un ravin, faisant le grand écart entre deux promontoires, et devant décider de quel côté incliner, en pensant qu'elle pouvait facilement glisser et faire une chute de quelques centaines de kilomètres pour finir en crotte de moucheron sur le sol. Parfaitement désagréable, et surtout quand il émanait de quelqu'un d'autre.
Ah oui, et elle était fatiguée aussi, et par mimétisme, la jeune fille bâilla longuement.

" Tu sais..." reprit Së, tandis que Yôko mettait prestement la main devant la bouche, puis esquissait une grimace. Ca non plus, elle n'aimait pas : ce genre de ton doux et pédagogique qui annonçait le soit-donc-raisonnable-Yôko.
" Il vaudrait peut-être mieux pour toi que je parte et que tu ne penses plus à moi."
Ah bon ? Surprise, la jeune fille leva un sourcil en accent circonflexe, occupée à disséquer les impressions confuses qu'elle recevait. Tristesse, souffrance, et quelque chose qui relevait à la fois de la douleur et de la joie...qu'est-ce que çà pouvait bien être ? ( - moi je peux vous le dire : c'est quand on est ému - ) Mais surtout, elle sentait que l'elfe ne pensait pas ses paroles. Bizarre.
Së retourna vers la fontaine pour y plonger les avant-bras, et le lien empathique faiblit. Yôko attrapa une de ses mèches mouillées pour la mâchouiller énergiquement, puis la suivit quelques secondes après, et se rassit à côté d'elle.

" Nan." répondit-elle simplement. " J'ai pas envie. Et puis d'abord, je pourrais dire la même chose."
Elle grelottait violemment : le vent avait fraîchi. Attentive à ne pas tomber une troisième fois dans l'eau de la fontaine, elle recommença à se balancer d'avant en arrière puis demanda finalement :
" Toi, c'est quoi ta maladie ?"

[ Beuh, pareil A___A ]
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptyDim 7 Oct - 17:49

[héhé, j't'ai démasquée, Yôko-la-librivore@homail.com Twisted Evil c'est pas malin XD, tu t'es trahie, entre tes "çà" et tes smileys A___A XD < je me disais que c'était bizarre que ce soit le même qu'avec mon PV avec la Mort... Laughing Oui bon je sais, c'est surtout stupide de pas l'avoir remarqué avant XD]

Së sentit un coup au coeur en entendant la voix de la gamine qui insufflait un vent nouveau dans son esprit. Le liquide léger qui flottait autour de son bras et la massait au rythme des ondulations avec une sensation de bien-être, ajouté à cette voix fluette et reposante comme un rayon de soleil frais après une après-midi d'orage, la rendait à elle-même. Soudain, elle redevint Së'ril, la petite Së de 15 ans, arrivant à Lumeïnyx, un peu anxieuse mais curieuse d'un nouvel univers, elle redevint l'elfe de 16 étés qui riait avec ses amis et pleurait d'être amoureuse, elle était... elle-même, sans cette affreuse présence qui la perturbait et la rendait lunatique, associable, invivable. Pour elle comme pour les autres.
Oui, quelle était sa maladie ? Son nom, Indéfinissable... Les zones qu'elle touchait, celles les plus fragiles, l'esprit et le coeur... Ses symptômes : fatigue écrasée de chaleur, solitude insurmontable qui accroîssaient une déprime progressive. Dos voûté, tête basse, yeux vagues, voix absente. Seul remède : l'entourage et la gaîté. Peut-être que ces deux facteurs pourraient à la longue lui rendre sa joie et son espoir... En tout cas, elle le savait, elle était seule dans Pahiss pour le moment, en attendant de retrouver ses amis de Lumeïnyx qu'elle aimait tant. Restait à savoir s'ils étaient encore vivants... un nouveau pincement du côté de ce truc mou qui battait la mesure sous son sein gauche.

Mais après tout pourquoi s'en faire ? ! Elle était à côté de cette enfant dotée d'un don merveilleux, celui de faire s'envoler les peines comme autant d'oiseaux au soleil couchant, hirondelles hirondelles enfuyez-vous bien loin vers des pays plus chauds... plus chauds encore que là où j'étouffe... et laissez vite le froid venir nous serons délivrés... le froid revivifiant.
Et l'enfant en question lui demandait sa maladie... elle n'en savait pas grand-chose au juste. Qui était-elle, ce qui lui manquait, ce qu'elle désirait, ce qui l'alourdissait et l'empêchait de quitter le sol, elle aurait voulu faire un point là-dessus, puis y remédier immédiatement pour tirer un trait sur l'ennui. Un point, un trait. Langage morse de son coeur qui battait parfois long - repos ou fatigue abrutie de travail - , parfois court - gentillesse, flash de joie de vivre, éclair de sourire qui malheureusement ne durait pas... Elle aurait voulu répondre à toutes ses questions (qui se bousculaient sans cesse et, dès qu'elle tentait de les fixer, se cachaient facétieusement), pour ensuite se débarasser de son lest encombrant de passé et de douleurs, et recommencer fraîche et nouvelle comme après la mue... Oui, mais simplement, elle n'y arrivait pas.

Së choisir de poser une autre question, esquivant ainsi celle à laquelle elle n'avait pas de réponse précise.


"Pourquoi, tu as une maladie, toi ? Ca fait cabinet de psychiatre. "

L'ironie maladive qui se foutait de la vie entière refaisait irruption dans son esprit, enfonçant les portes avec son bélier d'insolence et s'installant avec un sans-gêne pas possible sur le coin d'une table, indécente et déhanchée. Mais très vite Së se ressaisit et parvint à reprendre une voix douce. Après tout, pourquoi pas.

"Remarque, ça fait toujours du bien d'en parler. Vas-y raconte-moi si tu veux, je te dirai après. On est deux virgules dans la longue phrase de l'existence on dirait, personne ne fait attention à nous, on s'arrête à peine pour faire comme si on nous avait vues. Si on parle, on sera peut-être délivrées de notre proprer indifférence face à nous-mêmes... enfin, moi c'est ce que je ressens."

Un essai d'humour ? Së tenta un sourire.

"Ca a un rapport avec ta baignade plutôt matinale ?"
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptyJeu 11 Oct - 16:58

[ Oh, çà va hein. J'ai pas spécialement chercher à me cacher XD. J'ai juste pas dit que c'était moi...oui oui, j'ai remarqué que mes çà me trahissaient, mais j'en m'en ficheuh... ]

Esquisse, manoeuvre de tourne-autour et contre-attaque :
" Pourquoi, tu as une maladie, toi ? Ca fait cabinet de psychiatre. "
Yôko eut un haussement d'épaules très adolescent ( - il y avait une foule de petits détails qui révélaient qu'elle n'était pas aussi jeune qu'elle le paraissait, mais une chose est sûre, c'est que sa poitrine version planche à repasser n'en faisait pas partie - ) et plaça une réplique merveilleusement fine et passe-partout qui faisait honneur à la richesse de la langue loahne :
" Mouais."
Prenant un virage émotionnel à 90°, ce qui perturba la jeune fille un instant, Së retrouva gentillesse et voix douce, comme pour s'excuser de son trait d'ironie.
" Remarque, ça fait toujours du bien d'en parler. Vas-y raconte-moi si tu veux, je te dirai après. On est deux virgules dans la longue phrase de l'existence on dirait, personne ne fait attention à nous, on s'arrête à peine pour faire comme si on nous avait vues. Si on parle, on sera peut-être délivrées de notre propre indifférence face à nous-mêmes... enfin, moi c'est ce que je ressens."
Lorsqu'elle dédia une esquisse de sourire à son interlocutrice, elle se rendit compte que celle-ci la regardait avec perplexité, les sourcils froncés.
" Répète. Mais plus lentement. Des virgules ? J'ai toujours détesté la grammaire." pesta Yôko en faisant tourner le cadeau de l'elfe devant elle comme un lasso, essayant de saisir ce que c'était que cette histoire de s'arrêter, de voir et d'être délivré.
" Ca a un rapport avec ta baignade plutôt matinale ?"
La jeune humaine leva les yeux vers elle, surprise :
" Hein ? Nan. Ca c'était juste pour...enfin si, mais non. C'est pas çà et c'est çà, et en même temps c'est le contraire."
Baissant les yeux sur ses doigts de pied, elle se rendit compte qu'ils viraient lentement au bleu. Merveilleux, encore une demi-heure et elle ressemblerait à du poisson surgelé, et à moins que le soleil levant ne réchauffe un peu l'air.
Coinçant ses pieds sous ses fesses, elle redressa l'échine et fixa son regard noir loin, très loin, par-dessus la jonction des toits, par-dessus les girouettes de cuivre grinçantes, jusqu'aux ondes de soleil qui commençaient à naître comme un voile d'or blanc.
Elle n'aimait pas beaucoup parler de sa maladie, parce qu'à chaque fois qu'elle le faisait, sa mère éclatait invariablement en sanglots, ou alors des gens qu'elle ne connaissait pas lui tapotait la tête avec compassion. Bon sang, elle n'était pas un chien ! Mais pour le coup, elle voulait tester Së pour connaître sa réaction. Etait-elle de ces personnes ? Probablement pas. Et puis, c'était un sorte de marché : je te parle de mon problème, tu me parles du mien. Yôko soupira.

" J'ai jamais été fichue de retenir son nom. C'est quelque chose en "um" à tous les coups, non ? C'est bizarre, parce que c'est même pas douloureux. A part les crises. Mais çà rend les gens autour de moi tristes."
Elle secoua lentement la tête, songeant que sa mère devait être en train de s'éveiller et s'apercevrait bientôt de son absence. Et l'inquiétude causée lui procura à la fois culpabilité et une sombre satisfaction, un sentiment de puissance. Elle ne voulait pas vivre dans un cocon. C'était parfaitement inutile...
Observant avec soin la réaction du Së'ril du coin de l'oeil, elle asséna :

" Dans trois ans, je vais mourir. Il n'y a aucun remède."
C'était toujours aussi étrange à annoncer. Son coeur battait la chamade. Vanité, que de dire qu'elle avait accepté. L'homme n'accepte jamais sa mortalité, alors elle...elle qui ne passerait jamais la barre de la majorité, enfant jusqu'à la fin...c'était injuste. Et çà ne servait strictement à rien de le répéter.
" Alors, c'est quoi ta maladie ?" demanda-t-elle, ayant parfaitement conscience d'être mesquine et en tirant de nouveau la satisfaction de la vengeance.

[ J'en ai marre, c'est encore pourri... ]
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Yôko
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MessageSujet: Re: Vivante   Vivante EmptyVen 28 Mar - 14:57

[ Coucou ! Je sais, le sujet date. Puisque apparemment, Së'ril ne me répondra pas, je le clôt en un post. C'est plus simple je crois. ]

Tout se passa comme elle s’y attendait. Depuis treize ans ( disons, douze. Un bébé de moins d’un an n’étant probablement pas capable de percevoir ce genre de choses de manière consciente ) qu’elle la connaissait, elle avait toujours eu cette tendance de s’annoncer sur le mode auditif avant de passer au canal visuel.
Le cri monta, haut, clair, vibrant d’inquiétude, étiré en longueur de trémolos, et résonna sans fin dans le labyrinthe des rues pavés désertes, s’écrasant contre les volets fermés, ricochant aux coins des maisons, sautant de girouette en parabole pour s’élever vers la cime des nuages…

« YÔÔÔÔÔÔÔKKKKOOOOOOOO ! »
Yôko, avec un seul O après le Y, un seul K et un seul deuxième O après le K, soupira et ferma les yeux, tandis qu’un sursaut à côté d’elle suivit d’un sentiment de surprise lui indiquait de Së avait également entendu l’appel du fond de sa déprime. Si c’était une bonne chose que l’elfe réagisse aux stimuli, c’était moins bien que le cri l’ait interrompu dans sa réflexion, au cas où elle était en train de réfléchir à la réponse qu’elle allait donner à Yôko. Ce qui fait que la jeune fille n’apprendrait jamais quelle genre de personne elle était : le genre fontaine, le genre oh-le-gentil-toutou, ou une nouvelle espèce d’être conscient qui lui permettrait enfin de se sentir à l’aise.
Enfin.
Résonnant sur les pierres froides, un bruit de course effrénée provenant de la rue des Sables, Quartier des Marchands sembla se propager dans toute la ville. La place de la fontaine n’en était que peu éloignée, et l’écho de son cri déchirant venait de s’éteindre lorsqu’une jeune femme à bout de souffle y déboula, et stoppa net à la vue de l’humaine et de l’elfe assises côte à côte sur le rebord de marbre.

« Yôko ! »
Yôko leva les yeux au ciel. Oui, c’était bien son nom. Et après ?

Fonçant sur elle, la femme s’agenouilla à ses côtés et prit ses mains glacées dans les siennes.

« Ma chérie, tu t’es encore enfuie sans rien me dire, j’étais inquiète, tu sais pourtant que je me mets dans tous mes états dès que…mais…tu es trempée ! Au nom d’Aztrac-le-Juste, il faut immédiatement que tu rentres te sécher et que je te donne des médicaments, je suis sûre que tu as attrapé froid et…tu es tombée dans la fontaine ? Tu sais qu’il ne faut pas que tu sortes seule, tu es malade, tu le sais, combien de fois t’ais-je répété que…oh, tu aimes donc tant que çà me rendre folle ? Comme si je n’avais pas déjà assez de sources d’inquiétude comme çà, avec ton père qui… »
« Yukari…Yukari, je… YUKARI !!! » finit par hurler Yôko dans un essai désespéré de stopper le flot de paroles. « Je ne suis pas tombée dans la fontaine, je me suis mise dedans de mon plein gré. Je me lavais, c’est tout. »
« Tu…te…lavais ? » gémit Yukari, la voix étranglée, tandis que ses yeux s’emplissaient de larmes. Ses jambes semblèrent céder sous elle, et elle s’effondra sur le sol, tenant toujours la main de sa fille.
« J’en ai assez…j’en ai vraiment assez… » sanglota-t-elle. « Je sais bien que c’est ma faute mais…pendant combien de temps vas-tu encore chercher à me punir ? Je suis à bout… »
« Mais tu dis n’importe quoi ! Je ne cherche pas te punir, je cherche juste à m’amuser comme n’importe quelle adolescente normale ! »
« Mais tu n’es pas normale, Yôko, ma pauvre chérie, tu n’es pas normale, tu es malade et… »
« Et je ne suis pas malade des bronches, mais de… de… je ne sais pas quoi ! Ca change quoi que j’attrape un bête rhume ? Mais rien, RIEN ! Je n’ai pas besoin de vivre sous une cloche de cristal ! Je ne vois pas de quoi tu te plains ! Ma maladie me permet de mener une existence normale ! Je ne vois PAS de quoi tu te plains ! »
« Tu ne vois pas ? » s’étrangla Yukari, les cheveux ébouriffés et les traits déformés par la souffrance. « Tu ne vois pas pourquoi je serais à plaindre, de savoir ma fille unique condamnée ? Et si tu avais une de tes crises dans la rue, et si je n’étais pas là, et si tu… »
« Et alors ?! » rétorqua Yôko, excédée. « J’aurais un bleu là où je tomberais, et puis basta ! Ce n’est pas comme si c’était un secret, vu que tu passes ton temps à pleurnicher devant la ville entière ! »

« Ca suffit. » souffla Yukari. « Ca suffit, tu rentres immédiatement à la maison, ce n’est pas parce que tu es malade que je vais laisser passer cette insolence. »
Avec une force surprenante pour sa frêle carrure, elle se redressa et tira Yôko sur pieds. La jeune fille, les dents serrées, se laissa faire. Semblant enfin prendre conscience de sa présence, sa mère se tourna vers Së’ril et ajouta d’un ton plus calme :
« Je suis désolée de vous avoir fait assister à cette scène familiale, mademoiselle. J’espère que ma fille ne vous a pas trop importuné. »
« Ne parle pas comme si j’étais un animal de compagnie turbulent. » grogna Yôko.
« Ma fille est malade, il faut lui pardonner. » continua la jeune femme, ignorant l’intervention, tandis qu’elle essuyait les traces de larmes sur ses joues. « Elle ne doit pas sortir seule de la maison. Si jamais vous la croisez de nouveau, auriez-vous l’obligeance de me la ramener ? Nous n’habitons pas loin, au 45 rue des Sables, dans le Quartier Marchand. Merci infiniment. »
Sans attendre la réponse de Së’ril, elle s’inclina profondément et avait retrouvé un semblant de sérénité lorsqu’elle se redressa.

Yukari était une belle femme, grande et fine, et ses traits, lorsque détendus, étaient dotés d’une élégance pure et lumineuse. Ses longs cheveux noirs, qui lui fouettaient les hanches, brillaient au soleil naissant de reflets bleutés, et les ailes asiatiques de son nez délicat palpitaient. Sa bouche aux lèvres fines et pâles esquissa un sourire triste. Bien que jeune encore, elle avait de fines rides d’inquiétude et de tristesse tracées au coin des yeux et de la bouche ainsi que sur le front et ses yeux noirs, si semblables à ceux de sa fille, avaient un éclat tourmenté. On pouvait presque voir les nerfs vibrer sous la peau d’ivoire à texture veloutée.
Elle fit demi-tour puis traversa la petite place d’un pas décidé, traînant presque Yôko derrière elle. Celle-ci, les joues empourprées de colère, se retourna pour lancer :

« A plus, Së ! Et merci ! »
Elle agita le pendentif, cadeau de l’elfe et dont elle avait entortillé la chaîne entre ses doigts pour ne pas le perdre, puis suivit sa mère en trottinant un pas sur trois afin de suivre la cadence rapide de sa génitrice.
La mère et la fille tournèrent à l’angle puis disparurent, mais l’écho de plus en faible de leur dispute continua à parvenir aux oreilles de Së’ril.


[ Sujet terminé ]
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